Christopher McQuarrie n'en est qu'à sa deuxième réalisation après Way of the gun il y a déjà une douzaine d'années. Mais le cinéaste est nettement plus connu à Hollywood pour ses talents de scénaristes. Grand collaborateur de Bryan Singer, il est notamment à l'origine du scénario d'Usual Suspects, lauréat d'un oscar mérité du meilleur scénario original en 1996. Alors qu'elle n'est pas extrêmement connue en France, la série de romans retraçant la vie de Jack Reacher, écrite par Lee Child, compte déjà une petite vingtaine d'épisodes. Adapté de « Folie furieuse », « One shot » en anglais, ce long-métrage affiche clairement l'ambition de lancer une franchise cinématographique qui reposerait sur les épaules d'un Tom Cruise en pleine renaissance à Hollywood depuis le dernier Mission Impossible. À juste titre ?
Présenté comme un ancien crack de la police militaire en Irak, Jack Reacher/Tom Cruise est anonyme aux yeux des autorités. Pas de téléphone portable ni de connexion internet (quel exploit !)... le flic aux méthodes musclées est indétectable. Cependant, alors qu'un sniper assassine plusieurs personnes dans la rue en pleine journée apparemment sans raison, le principal suspect refuse d'avouer les faits. Sa seule participation à l'enquête reste ce message qu'il écrit sur un bloc-notes et tend aux policiers qui l'interrogent : « Trouver Jack Reacher ». De ce postulat de départ, un peu faiblard, s'ensuivra une intrigue globalement bien ficelée mais aux ressorts assez classiques. Reacher comprend bien vite qu'une réalité plus complexe se trame derrière les apparences (un tueur instable sans motivation). Plus fort, plus intelligent, plus rusé, etc... que tout le monde, et aidé par l'avocate, il parviendra à résoudre cette énigme. Je n'ai d'ailleurs pas l'impression de dévoiler, par indiscrétion, la fin du film tant, de par la nature même du personnage, increvable justicier des temps modernes, celle-ci demeure extrêmement prévisible ce qui est en totale inadéquation avec le travail de McQuarrie sur Usual Suspects, soit dit en passant.
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Semble-t-il moins confiant dans l'intelligence des spectateurs, le réalisateur mâche ainsi le travail ce qui nous parait légèrement regrettable au final. Chaque avancée dans l'enquête est soigneusement verbalisée par les deux personnages afin que le plus imbécile des spectateurs puisse suivre l'enchaînement des événements sans trop de problème. On y perd évidemment en suggestion et en implication du spectateur. Vient ensuite la question de la relative longueur du film en opposition avec les volontés de la production de faire un film « grand public ». 2 h 15, ce n'est pas forcément excessif pour un film de ce genre mais le fait est que, malheureusement, la première partie du film peine à ne pas s'embourber dans quelques sinuosités scénaristiques regrettables. En réalité, avec une petite demi-heure en moins, la pilule serait passée plus facilement. Loin d'être mauvais, ce thriller urbain respectueux des codes du genre dans les années 70/80 a au moins le mérite de posséder une âme à défaut de proposer un aventure assez rythmée pour ne pas s'attarder sur les quelques défauts que l'on peine à oublier.
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Malgré une réalisation qui demeure un peu impersonnelle par moment, Christopher McQuarrie se montre très efficace dans les phases d'action. On pense notamment à la poursuite en voiture dans une Chevrolet directement sortie des années 70, filmée à l'ancienne sans effets pyrotechniques tapageurs ni cascades surréalistes. Certains plans moyens esthétiquement très réussis, notamment ceux que l'on a pu voir lors de la promotion du film, montrant un Tom Cruise posant face à la caméra dans une petite rue la nuit, confère une réelle identité au film. Le réalisateur se montre cependant moins à l'aise dans les scènes d'investigation ou les dialogues, pas foncièrement captivants bien que légèrement teintés d'un humour certain qui témoignent d'une approche peut-être trop ordinaire de cette partie du scénario.
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Rien de bien fantastique à se mettre sous la dent en ce qui concerne le casting même si Tom Cruise, omniprésent à l'écran s'en sort plutôt bien, malgré un personnage pas vraiment fouillé. Dans le rôle d'un genre de Sherlock Holmes (version Robert Downey Jr.) avec un peu moins d'humour et de classe, son impassibilité, clairement la caractéristique première du personnage, ne lui permet pas vraiment de montrer l'étendue de son jeu d'acteur. Dans un autre genre, l'avocate intègre et dévouée du suspect, interprétée par Rosamund Pike (connue pour son rôle de James Bond Girl dans le dernier de Pierce Brosnan), ne transcende pas non plus à l'écran. Les bonnes surprises viennent en réalité des seconds rôles. Que ce soit le retour remarqué de Robert Duvall, en moniteur de tir chevronné, garant d'un certain humour et d'une certaine légèreté désirés par le scénario, ou Werner Herzog, réalisateur-phare du cinéma allemand, qui interprète ici avec jubilation le rôle du « méchant » de service, un paria comme on en fait plus au cinéma, échappé d'un goulag russe et capable de toutes les cruautés.
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Sans effets spéciaux ni pyrotechnie tapageuse, le film s'en sort plutôt bien sur le plan visuel. Plongé dans un ambiance légèrement sombre et maîtrisée, le thriller s'avère globalement très plaisant sur le plan esthétique bien que l'environnement urbain dans lequel s'insère la quasi-totalité de l'intrigue ne soit pas réellement propice à une direction artistique hors du commun. Rien que l'on ne puisse véritablement reprocher à ce film sur cet aspect-ci de sa conception...
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Scénariste reconnue depuis les années 90, Christopher McQuarrie accompagné pour l'occasion de Josh Olson, signe une intrigue inégale dans laquelle on applaudit certaines réussites autant que l'on fustige d'autres maladresses plus problématiques. Bien que confiné dans un certain classicisme un peu fâcheux (la linéarité de l'intrigue, les scènes d'action sans enjeu, l'investigation ponctué de rebondissements intelligents mais dont l'arrivée est prévisible...), le scénario entérine cependant la capacité de McQuarrie à faire naître une certaine tension et un climat propice au suspense et à la paranoïa. L'histoire tournant rapidement au complot, chaque personnage nous apparaît comme un suspect potentiel ce qui nous permet de ne pas vraiment perdre de l'intérêt à suivre les pérégrinations de Reacher. En revanche, le manque de profondeur des personnages ou plutôt l'aspect un peu fade des protagonistes principaux, à savoir Reacher et l'avocate, sont sans doute un problème que l'on peut imputer à un manque d'audace scénaristique. Les scénaristes, bien trop occupés à polir leur histoire pour la rendre accessible au grand public, en oublient de nous faire ressentir de réelles émotions aux côté de Tom Cruise et de Rosamund Pike. Pas totalement dénués de charisme, ceux-ci manquent cependant de force et d'intensité ce qui rend difficile une quelconque identification, admiration ou empathie du spectateur. Ave un peu plus de travail sur les personnages et un volonté moins affichée de séduire le tout-venant, le scénario du film aurait pu être tout à fait honorable.
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On ressort de Jack Reacher en ayant presque totalement oublié le moindre morceau qui compose la bande originale. Aucune musique ne parvient à être réellement mémorable. Difficile de savoir si la discrétion de la bande sonore est voulue par le metteur en scène, soucieux de porter l'intérêt du spectateur sur d'autres aspects du film ou si elle est due aux manquements de son compositeur Joe Kramer. Il serait cependant beaucoup trop sévère de parler d'échec en ce qui concerne la bande originale de ce film qui se veut malgré tout à l'image de l’œuvre dans son ensemble, assez efficace mais manquant parfois cruellement d'originalité et de punch.
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13/20
De ce thriller musclé et volontairement old-school, témoin de tout un pan du cinéma d'action qui a disparu, on retiendra avant tout une intrigue relativement bien pensée et des scènes d'action terriblement efficaces. Tom Cruise fait le boulot sans être exceptionnellement brillant dans un rôle peu original de justicier solitaire, violent, intelligent et n'obéissant qu'à sa propre morale personnelle. Loin d'être raté, le film baigne cependant dans un certain classicisme regrettable. Un film, certes agréable à voir, mais pas vraiment indispensable.
Publiée le 22 janvier 2013 à 18:15:26 par Kevin Sigayret
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