« je m'en charge... » . C'est par cette ultime phrase, lien parfait avec le tout premier film sur le héros masqué réalisé par Tim Burton que se clôture Batman Begins, alors que le justicier tient dans sa main une carte marquée du dessin du joker. Une transition qui de prime abord rendait superflue la production d'un second opus, hormis pour des raisons commerciales, appât du gain trop souvent triste pourvoyeur de suites moribondes et sans âmes... Comme preuve : après les films gothiques mettant en scène Michael Keaton dans la peau de Batman, emplies d'une sombre poésie bien propre à l'univers de leur réalisateur, vinrent en effet un Batman Forever décevant et parfois même à la limite du pathétique, puis surtout un Batman et Robin, grand-guignolesque et affligeant, qui écœura plus d'un fan de l'univers très sombre de Bob Kane. Qu'en est-il donc de ce « dark knight », qui fit suite à un Batman Begins sobre, efficace et intelligent. Est-il à la hauteur de son prédécesseur ?
Bien avant sa sortie, le casting du film était dévoilé au public, et je me souviens être resté perplexe devant le choix de l'acteur censé incarner le Joker : Heath Ledger, l'ange blond de Chevalier et surtout du célèbre Secret de Brokeback Mountain ; un acteur excellent, dont le décès est une véritable perte pour le cinéma à coup sûr, mais qui me paraissait bien trop stéréotypé « belle gueule » pour pouvoir jouer un être aussi maléfique et complexe que le clown tueur. Premières scènes du film, et là, au travers des mésaventures d'un groupe de braqueurs affublés de masques de clowns, poussés astucieusement par leur patron à s’entre-tuer, on ne peut que rester scotchés à son fauteuil, fascinés par cette entame menée tambour battant, plus proche d'un film policier que d'un film de super héros... Cette scène, mémorable pour tous les amateurs du film nous rassure en deux points cruciaux : nous sommes face à une œuvre maîtrisée et sombre, orchestrée par un Christopher Nolan virtuose, qui après avoir filmé les premiers pas du justicier, lui a fait atteindre sa maturité dans ce nouvel opus. Deuxième point et non des moindres : l'ange blond est méconnaissable en Joker, et tout à fait crédible dans cette première scène où tout son machiavélisme et son désintérêt pour la vie humaine transparaissent au travers de son discours tenu à un directeur de banque indigné. Yeux sombres et inquiétants, maquillage sale et quelque peu dégoulinant, cheveux gras et huileux teint en verts sombres, sans compter une cicatrice horrible accentuant son sourire, le look du clown laisse d'ores et déjà deviner qu'il sera loin d'être le comique aperçu sous les traits de Jack Nicholson. Le ton est donné : le protagoniste principal n'a même pas montré le bout de sa cape, mais les hostilités sont déjà lancées...
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En réponse à cette entrée en matière musclée, le réalisateur passe un certain temps à nous dépeindre une situation en très nette amélioration par rapport au premier volet : Batman inspire la terreur aux délinquants, et parvient sans trop de difficultés à tenir la dragée haute aux criminels les plus endurcis. Un changement de situation qui semble retranscrit au travers même des décors du film : les gratte-ciels et les hauts buildings sous un ciel clair remplacent en effet les taudis et ghettos pluvieux et embrumés par des vapeurs délétères. Véritable symbole d'espoir d'une nouvelle ère de sécurité : le nouveau procureur de la ville, Harvey Dent, se fait le complément diurne de l'homme chauve-souris, acculant encore plus les gangsters dans leurs derniers retranchements. C'est donc dans cette atmosphère hautement optimiste, où les seuls soucis de Batman semblent être son amour envers Rachel, amie d'enfance déjà vue dans le précédent opus, mais qui est désormais la petite amie de Harvey Dent, qu'intervient le Joker... Et là, nouveau coup de théâtre ! Loin de faire dériver son film vers un énième affrontement entre le super héros et le Bad Guy à grands renforts d'effets spéciaux, ralentis et combats spectaculaires, Christopher Nolan recentre l'affrontement sur le plan psychologique, faisant du clown monstrueux un pur psychopathe, considérant le monde qui l'entoure comme un macabre jeu d'échecs... Et Heath Ledger nous offre alors une véritable démonstration, qui ridiculise la performance de Jack Nicholson, pourtant très bon dans le Batman de Tim Burton. Ouvertement malveillant et railleur, ou bien calculateur et inquiétant, le Joker en reléguerait presque le héros du film au rang de personnage secondaire tant ses apparitions sont marquantes. Le désespoir qui perce dans ses ricanements hystériques, la dangerosité qui l'entoure comme une aura à chacun de ses gestes et à chacune de ses paroles lui confèrent un charisme rarement atteint par l'antagoniste d'un film ; surtout de ce genre-là, plus sujet à la démonstration visuelle... Le Joker s'emploiera peu à peu à faire sombrer dans la folie où tuer tous les personnages qui symbolisent Gotham City (le chef d'une famille de la pègre, le maire et son pouvoir politique, puis enfin Batman et Harvey Dent, deux facettes d'une justice qui évolue à la fois dans l'ombre et la lumière). Une folie dont ne peut par ailleurs deviner l'origine puisque le clown donne plusieurs versions du traumatisme qui l'a transformé en véritable monstre. L'apothéose étant la succession d’événements qui conduiront le clown au chevet d'un Harvey Dent en deuil pour lui parler de sa vision du monde chaotique sans foi ni loi, et qui aboutira à la naissance de Double-Face...
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Le Joker crève l'écran c'est une évidence, mais qu'en est-il alors de batman et des autres protagonistes ? Et bien ils livrent une partition correcte, pas forcément transcendante en ce qui concerne Christian Bale, mais juste. Le réalisateur a en effet pris le parti de délaisser complètement Bruce Wayne, à l'inverse de Batman Begins, pour montrer le justicier, qui est donc devenu sa véritable identité, le playboy milliardaire n'étant qu'une façade superficielle, dévorée par son alter ego. Là où certains y verront un Christian Bale décevant, je préfère y voir une suite logique des événements du premier opus, où le héros, après s'être construit une image, ne vit quasiment plus qu'au travers d'elle, faisant alors de Bruce Wayne son masque et de Batman son véritable visage.
Les « seconds couteaux », qu'il s'agisse des alliés du justicier (commissaire Gordon, Harvey Dent en tête), ou bien des ennemis (mafieux et malfrats ) ont le physique de l'emploi et sont dans le ton du film, sans aucune fioriture ou exagération, ce qui est fort appréciable pour un film de super-héros où les clichés abondent. Mention spéciale toutefois à mes yeux à Gary Oldman, acteur génial qui incarne à merveilles un commissaire Gordon usé moralement et physiquement, un brin cynique, et conscient des difficultés de son métier dans une ville aussi corrompue. En définitive, le film atteint un degré d'excellence presque inespéré au vu de l'épisode précédent, qu'il surclasse même assez franchement. Christopher Nolan réussit le pari risqué de transformer un film de super héros en une intrigue policière dont aucun des personnages ne sortira ni indemne ni grandi... Le sérieux du film en ferait presque oublier que l'on parle d'un justicier masqué, mais il subsiste malgré tout quelques beaux morceaux de bravoure, parfois un brin surréalistes (notamment la moto du héros capable de cabrer contre un mur...), où bien très « mission impossible », avec usage de gadgets sophistiqués à la clé. En conclusion ce film est une suite logique à son prédécesseur, à la fois une évolution, de ton, des personnages et d'ambiance, mais aussi une réponse, où plutôt un écho à celui-ci : là où un homme seul peut changer les choses dans Batman Begins, ici un homme seul peut faire déferler l'anarchie dans un ordre bien établi...
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Une mise en scène toute en sobriété et en maîtrise, voilà comment on pourrait qualifier le travail de Christopher Nolan sur ce film. Dénigrant les fioritures, il rentre très vite dans le vif du sujet, et s'approprie l'univers chaotique du joker par le biais de scènes symboliques, montrant tour à tour les facettes de la sombre personnalité de l’antihéros. Si certaines longueurs peuvent être déplorées durant la première heure de film, la tension et l'action montent crescendo durant la seconde partie du métrage, jusqu'à un final apocalyptique et dramatique.
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Il s'agit de LA pierre angulaire de la critique du film : le jeu d'acteur, ou plutôt le jeu de Heath Ledger. Rarement un acteur aura autant été habité par un rôle. Chacune de ses apparitions à l'écran est un pur régal, mélange de maîtrise totale de son sujet, mais aussi d'une folle touche personnelle qui donne une autre dimension au personnage. La différence entre le talent et le génie en somme.
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Un sans faute. Les effets spéciaux sont réussis, les costumes et décors en adéquation avec les personnages et les situations. Rien de nouveau certes, on est pas face à un film révolutionnaire en la matière comme aura pu l'être Avatar, mais le tout est bien léché. Mention spéciale au design du joker toutefois, qui vaut à lui seul cette note élevée.
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Une intrigue, mais surtout une interconnexion entre les personnages, à la fois intelligente et efficace, au service de dialogues qui sonnent juste. Certes, on pourra toujours reprocher que le personnage de l'épouvantail est à peine entrevu, où bien encore que la métamorphose d'Harvey Dent reste un brin facile, mais le film dans son ensemble garde une grande cohérence. Le ton sérieux et l'ambiance sombre rehaussent encore davantage les idées audacieuses mises en œuvres pour faire évoluer l'histoire ; en point d'orgue l'interrogatoire du joker par Batman, donc scène où un homme déguisé en clown délivre sa vision du monde à un quidam déguisé en chauve-souris. Scène a priori ridicule, mais pourtant au contraire, tellement prenante...
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Les thèmes du film sont à son image : sobres mais efficaces. La composition de Hans Zimmer, déjà à l'œuvre sur le premier opus, est discrète, mais rajoute un peu plus de tension dans les moments dramatiques, où souligne vraiment l'héroïsme de la décision du héros d'assumer toutes les infamies commises par un procureur déchu en fin de bobine.
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19/20
Au-delà d'être un génial film de super-héros, The Dark Knight est un très grand film. Nous sommes là en présence d'un véritable chef d'œuvre du septième art, car porteur d'émotions fortes. Après un Batman Begins qui réhabilita le justicier masqué dans nos cœurs après la piètre prestation de Georges Clooney, voici donc le film qui conférera à jamais une dimension mythologique à Batman et à son pire ennemi, autant pour les amateurs de la BD créée par Bob Kane, que pour les amoureux du grand écran. Tous y verront une œuvre majeure du cinéma contemporain.
Publiée le 02 novembre 2012 à 19:46:11 par Yohann Sigayret
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