On peut dire sans l'ombre d'un doute que ce nouvel épisode au pays de J.R.R. Tolkien était particulièrement attendu. Une décennie après la révolution amenée par « Le Seigneur des Anneaux », comparable au phénomène « Star Wars » des années 70/80, Peter Jackson se paie le luxe d'adapter le premier roman de l'auteur, Bilbo le hobbit, sorte de prequel du Seigneur des Anneaux. En dépit de la présence rassurante du réalisateur star au générique, les inquiétudes commencèrent rapidement à poindre après l'annonce d'une déclinaison de ce court roman en une trilogie. Beaucoup ont alors cru en la volonté de New Line Cinema de rentabiliser au maximum leur franchise phare au détriment de la qualité. Avec ce « voyage inattendu », l'heure du premier verdict a sonné.
60 ans avant les évènements relatés dans la trilogie qui a fait le succès de Peter Jackson, Bilbon le hobbit mène une vie sans histoire dans son « trou », bien à l'abri dans la contrée paisible de la Comté. Une nuit, treize nains s'invitent chez lui et sèment le plus grand désordre après avoir été envoyé par Gandalf le magicien. Le but de leur visite n'est autre que de recruter Bilbon comme cambrioleur afin de partir en expédition pour reprendre leur royaume perdu des griffes de Smaug le dragon. Bien que les nains ne soient pas convaincu de l'utilité du hobbit, celui-ci finit par accepter et rejoint leur compagnie dans un périple inattendu et dangereux vers le Mont Solitaire. C'est au cours de cette quête que Bilbon trouvera l'anneau de pouvoir qu'il transmettra à Frodon dans Le Seigneur des Anneaux. L'intrigue nettement moins poussée du livre fondateur de l'univers de J.R.R. Tolkien fait pâle figure face à la relative complexité et à la richesse de la trilogie précédente mais, de par la déclinaison en trois volets de cette histoire, Jackson et ses co-scénaristes se devaient de l'agrémenter de quelques nouveautés ou partis pris. C'est chose faite dans cet épisode qui, tout en suivant la trame scénaristique du livre, s'en éloigne parfois pour proposer une vision plus en accord avec les attentes du spectateur.
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Certains moments de bravoure qui ont fait le succès du livre étaient largement attendus par les fans. On pense notamment aux fameuses devinettes de Gollum qui sont ici religieusement retranscrites sans en omettre ou en modifier une seule. Cependant, la question de la longueur démesurée du film en comparaison avec la simplicité de l'histoire se pose réellement après le visionnage de l’œuvre. D'autant plus que ce genre de détails sont capables de rebuter toute une partie des spectateurs qui ne sont pas des fans inconditionnels de la première trilogie. La nécessité d'étirer l'intrigue au maximum est donc difficilement compréhensible ; bien que le résultat ne soit pas vraiment décevant, on se surprend à penser que certaines scènes superflues n'auraient du mériter qu'une présence parmi les bonus du DVD. Si la recette régurgitée pour la 4ème fois par Jackson ne nous est plus étrangère, l'efficacité du film gomme le manque d'originalité et impose son réalisateur comme l'expert du genre Heroic Fantasy au cinéma qu'il est certainement le seul à maîtriser aujourd'hui. L'ambiance générale du film est cependant quelque peu modifiée dans ce nouvel épisode puisque la dimension sombre et le désespoir qui émanaient du Seigneur des Anneaux (et principalement des deux derniers) a ici été troquée contre un humour plus prononcée (parfois à la limite du graveleux) et des personnages plus fantaisistes sans que la qualité du film n'en pâtissent réellement. Deux styles différents donc, bien que l'ensemble demeure tout de même très (trop ?) proche de la trilogie originale.
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On ne doutait évidemment pas des compétences de Peter Jackson ni même de son investissement sur le projet. C'est donc avec toujours autant de réussite et de style qu'il nous entraîne avec lui pour un nouveau voyage en Terre du Milieu qui sera, on l'espère, aussi intéressant que le premier. En utilisant les mêmes procédés narratifs, Peter Jackson confère une fluidité rare pour un film de ce type. Bien sûr, il semble parfois imiter certains plans tout droit issus de la première trilogie et le style de celle-ci est reconnaissable sur chaque image. L'effet de surprise disparaît donc forcément au profit d'une cohérence globale entre les deux trilogies. Cependant, à aucun moment, le plus exigeant des spectateurs ne pourra remettre en cause la virtuosité du réalisateur qui signe encore une fois un œuvre particulièrement maîtrisée.
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Après de longues négociations avec plusieurs acteurs, c'est Martin Freeman, très peu connu en France, qui obtint le rôle tant convoité de Bilbon à la grande satisfaction de Peter Jackson dont Freeman était le premier choix. Talentueux et plein de mimiques, l'acteur britannique interprète le rôle avec beaucoup de justesse et parvient à se démarquer de la prestation de Ian Holm (Bilbon plus âgé) en y ajoutant une touche comique agréable et en accord avec l'esprit du livre. Ian McKellen (Gandalf), autre personnage principal du film, est toujours aussi charismatique et convaincant dans le rôle du sage magicien gris. Le scénario laisse enfin place à une flopée de nouvelles têtes pour interpréter les nains. Méconnaissables pour la plupart, les acteurs s'en tirent relativement bien malgré des rôles peu étoffés dus au grand nombre de nouveaux personnages. Parmi les têtes connues, Cate Blanchett (Galadriel) nous séduit indubitablement par son jeu plein de subtilités et de mystère, bien que, trop rare, elle ne soit cantonnée qu'à une simple scène.
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Profitant toujours des splendides paysages vierges de la Nouvelle-Zélande pour nous plonger au beau milieu de l'univers fantastique, Jackson et son équipe maîtrisent leur sujet avec tout autant de talent qu'il y a 10 ans. La 3D, certes dispensable comme souvent, est de bonne facture et l'aventure nous réserve quelques moments de bravoure esthétiques que ce soit par la beauté des environnements elfiques toujours aussi féeriques ou par les batailles homériques contre une armée de gobelins modélisés par ordinateur. Malgré cette qualité visuelle indéniable, l'inconditionnel de la première trilogie ne pourra s'empêcher de ressortir de cette expérience avec un léger goût amer. C'est en effet très regrettable que les monstres « humanoïdes » (orques et gobelins), autrefois des figurants ou des acteurs grimés avec beaucoup de soin, aient été remplacés par de pales imitations en images de synthèse, certainement moins coûteuses à produire. On perd ainsi le charme de l'alternance images informatiques pour les plans larges de milliers d'orques/maquillages pour les orques en plans rapprochés, qui avait assuré le réalisme des créatures et des scènes d'action. A l'opposé de cette nouveauté décevante, on notera l'exceptionnelle modélisation en motion capture du personnage de Gollum (joué par Andy Serkis), plus expressif que jamais...
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Difficile de juger avec objectivité le scénario de ce nouvel épisode. D'un côté, le spectateur lambda pourra parfois grincer des dents face aux quelques facilités et maladresses du scénario dont le plus parfait exemple demeure le personnage de Gandalf qui quitte la compagnie des nains pour des raisons pas toujours très cohérentes et revient finalement les sauver au moment le plus opportun. Le tour de passe-passe aurait pu passer inaperçu s'il n'était pas un schéma récurrent du film. D'autres encore pesteront contre l'exceptionnelle linéarité de l'intrigue, succession de poursuites et de combats contre des monstres sanguinaires (tous doués de parole cette fois, ce qui contribue à les humaniser et les rendre bien moins terrifiants que les ourouk-hai du Seigneur des Anneaux). Cette avalanche d'action a le mérite d'assurer un certain rythme jusqu'au bout des 2h40. Toujours est-il que l'ensemble des critiques que l'on peut imputer au scénario sont en réalité des reproches que l'on devrait formuler bien plus à l'encontre du livre que du film. Initialement pensé comme un conte pour enfant, l'intrigue de Bilbo le hobbit demeure bien moins complexe et plus enfantine que celle du Seigneur des Anneaux. Difficile alors de blâmer Peter Jackson et ses collaborateurs, tenus de conserver les éléments significatifs de l'aventure. On pourrait même au contraire admirer avec quels talents les scénaristes ont su créer un lien très fort avec la trilogie originelle de par les apparitions clins d’œil de personnages (Saroumane, Frodon...) et l'allusion à peine voilée au retour imminent de Sauron. L'introduction du personnage de Radagast le brun, donnant lieu à des séquences bien pensées, fait partie des apports intelligents que les scénaristes ont su apporter à l'histoire, un peu chancelante, de l’œuvre originale.
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C'est avec énormément de plaisir que nous retrouvons une grande partie de la bande sonore qui avait contribué au succès de la trilogie originale. Celle-ci est ici savamment réutilisée pour ponctuer l'aventure d'un souffle lyrique toujours bienvenu. On reconnaîtra ainsi avec beaucoup de nostalgie la « musique de l'anneau » lorsque Bilbon en fait la découverte dans l'antre de Gollum tout comme le thème bucolique et enchanteur de la Comté, fief des hobbits d'où débute le film. Par ailleurs, bien que celle-ci aurait pu amplement suffire, la bande sonore s'agrémente de quelques nouveaux morceaux finalement assez anecdotiques hormis le thème principal affilié aux nains et à leur quête héroïque. Cette musique, que l'on peut entendre dans une version chantée par les nains en tout début de pellicule et qui raconte l'histoire de leur royaume perdu, est souvent réutilisée dans une variante plus épique et moins nostalgique au cours du film. Véritable partition de qualité composée par Howard Shore, à qui l'on doit récemment la superbe bande sonore de Hugo Cabret, ce simple morceau suffit à enrober l’œuvre originale d'un soupçon de nouveauté nécessaire pour en apprécier ou ré-apprécier la qualité.
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17/20
Sans faire preuve d'une grande originalité mais avec beaucoup d'efficacité, cette introduction de près de 3h, peut-être légèrement inférieure à la trilogie précédente, n'augure que du bon pour la suite des évènements. Les amateurs de l’œuvre littéraire s'interrogeront sur le contenu des deux films à venir étant donné le peu qu'il reste à raconter sur cette histoire, en restant fidèle au livre tout du moins. Cependant, Jackson nous a désormais maintes fois prouvé qu'il était largement capable de prendre des libertés sans dénaturer le travail de Tolkien. Nul doute que le metteur en scène et son armée de techniciens sauront trouver l'inspiration pour continuer avec brio l'exploration de cet univers fantastique dans les deux derniers opus que l'on peut d'ores et déjà présager à la hauteur de celui-ci.
Publiée le 14 janvier 2013 à 19:34:22 par Kevin Sigayret
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